Question écrite au Ministre Borsus
Les investissements étrangers dans les sociétés belges sont désormais passés au peigne fin. Depuis le 1er juillet, les investissements extra-européens dans des sociétés belges dont les droits de vote dépassent 25 % (et 10 % pour le secteur de la défense et de l’énergie), devront être soumis à l’approbation du Comité de filtrage interfédéral (CFI).
Deux chercheurs académiques flamands ont cependant amené une analyse critique du dispositif interfédéral mis en place en pointant essentiellement trois problématiques :
– le nombre de transactions soumis à ce contrôle risque d’être plus élevé qu’attendu ;
– les délais courts qui risquent de ne pas être respectés avec des possibilité de report et de prolongation ;
– des doublons dans les procédures, dans le cas où plusieurs entités entameraient ce contrôle simultanément puisque certains domaines empiètent sur plusieurs niveaux de pouvoir en Belgique.
Quelle est l’analyse de Monsieur le Ministre de cette critique ? Quelle est la coordination prévue par le CFI afin d’anticiper ce type de problématique ? Ces différents aspects ont-ils été pris en compte lors de la réflexion et la construction du mécanisme de contrôle ?
Le screening des investissements étrangers est crucial à plusieurs niveaux, il est donc indispensable qu’il soit efficient et sûr.
Réponse du Ministre
Le mécanisme européen de screening des investissements étrangers a fait l’objet d’un accord de coopération en Belgique. Le mécanisme est opérationnel en Belgique depuis le 1er juillet 2023.
L’étude parue dans la revue juridique Erasmus Law Review du Professeur de droit des affaires, M. Jeroen Delvoie (VUB) et de la Chercheuse, Mme Claire Fornoville (UAntwerpen, KU Leuven) et les inquiétudes que l’honorable membre relève appellent les réponses suivantes.
Premièrement, concernant un nombre potentiellement plus important de dossiers soumis que prévu, je rappelle que, dans la première analyse, le nombre de dossiers n’était qu’une estimation, qui concluait que le mécanisme de filtrage devrait concerner quelques 70 à 80 dossiers d’investissement par an, dont trois à cinq seraient soumis à un filtrage complet. Cette estimation du SPF Économie, PME, Classes moyennes et Énergie se basait sur les données de l’Autriche, qui présente le plus de similitudes avec la Belgique.
Il n’y avait aucune raison de mettre en doute cette analyse établie par le Fédéral. La réalité sera cependant peut-être – ou peut-être pas – supérieure à ce qui avait été envisagé.
Depuis que le mécanisme a été mis en place le 1er juillet, au niveau belge, les premiers dossiers sont entrés fin août. Il y en a actuellement 6 qui sont examinés et à ce stade un seul en Région wallonne.
Concernant les délais d’analyse des différents dossiers, les délais pour la procédure de vérification sont de 30 jours.
Les délais pour la procédure de filtrage sont de 28 jours, dont vingt jours pour le CFI (Comité de Filtrage Interfédéral ), six jours pour la décision du Ministre et deux jours pour la communication de la codécision. Ces délais peuvent être suspendus ou prolongés, notamment de trois mois sur la base d’une demande expresse du Comité de coordination du renseignement et de la sécurité, en raison de la complexité du dossier.
La Belgique a été attentive à ce que les délais restent courts pour éviter des discriminations entre les projets d’investissement et une concurrence malsaine entre les pays. Une cohérence existe entre les États membres grâce au cadre commun fixé par la Commission européenne afin de préserver la compétitivité.
Il est donc primordial que nous parvenions à respecter ces délais. C’est en tout cas l’objectif fixé par toutes les parties. Il faut rappeler que si une entité ne remet pas d’avis, il est considéré comme positif pour l’investissement.
Concernant les procédures simultanées au sein des différents niveaux de pouvoir, il s’agit selon moi d’un point essentiel. En effet, il a été décidé que chaque entité remette un avis quand elle est concernée. Il était difficilement envisageable de permettre au Gouvernement fédéral d’exercer une influence sur notre économie et sur la politique industrielle de la Wallonie. L’accord de coopération reflète la réalité politique d’un Etat fédéral, sans hiérarchie entre les entités. Il aurait été dramatique que chaque Gouvernement d’entités fédérées introduise son propre mécanisme de contrôle. Cela aurait inévitablement créé des complexités supplémentaires pour les investisseurs étrangers.