Question écrite au Ministre Borsus
La compagnie Air Belgium est en difficulté. Les comptes publiés fin juillet n’étaient guère rassurants puisqu’ils indiquent désormais une perte de 45 millions d’euros fin 2022, soit une perte cumulée de 92 millions depuis sa création.
Si la compagnie a décidé de supprimer en automne dernier certains vols passagers et de se concentrer davantage sur le cargo – principale source de revenus –, il semble que ceci ne suffise pas. Une nouvelle augmentation du capital afin de renforcer les fonds propres de l’entreprise belge est donc envisagée.
Monsieur le Ministre a-t-il eu des contacts récents avec les dirigeants d’Air Belgium ? Quelles sont les perspectives de l’entreprise ?
La Région wallonne à travers son outil économique Wallonie Entreprendre détient 32 % du capital en ayant investi un montant de 15,7 millions d’euros dans cette compagnie. Quel bilan tire-t-il de ces investissements au nom du contribuable wallon ? Si la décision de supprimer certains vols est compréhensible, les retombées économiques sont faibles voire inexistantes à ce jour pour la Région wallonne. Me confirme-t-il dès lors qu’il n’est pas envisagé de réinjecter des fonds dans le cadre de cette augmentation de capital ?
Parmi les cinq actionnaires actuels, l’entreprise chinoise Hongyuan détient déjà une importante part du capital. Selon la presse, un nouvel investisseur chinois aurait fait une offre à hauteur de 14,4 millions d’euros.
Peut-il récapituler le pourcentage de parts détenues par les différents actionnaires à ce jour, les droits y afférents, et l’évolution envisagée ?
Même si la législation européenne limiterait le droit de vote de ces deux entreprises chinoises à 49 %, n’est-il pas pertinent de questionner cette orientation à l’heure où de nombreuses entreprises européennes essaient de limiter l’exposition à la Chine et l’influence de ce pays ?
Quelle est son analyse de cette possibilité ? Quel est le levier d’action de la Wallonie dans le cadre de cette décision ?
Réponse du Ministre
Au cours des 3 dernières années, le secteur aéronautique a connu de nombreux bouleversements qui ont sévèrement affecté la rentabilité de l’activité Passagers des compagnies aériennes ; la compagnie Air Belgium ne fait malheureusement pas exception.
En 2020, suite au Covid, Air Belgium a été contraint d’immobiliser sa flotte, ce qui a engendré une baisse soudaine et drastique de ses revenus alors que ses coûts fixes restaient identiques. Ce premier épisode a conduit à un affaiblissement de la situation financière de la compagnie.
En 2022, alors que la reprise post-Covid s’amorçait, le déclenchement de la guerre en Ukraine a engendré une hausse draconienne du prix des carburants conjuguée à une évolution négative du taux de change euros/dollars. Par ailleurs, l’inflation qui a succédé à l’augmentation drastique du coût de l’énergie a réduit le pouvoir d’achat des consommateurs. Face à l’impossibilité de répercuter la hausse des prix des coûts fixes sur le prix des billets de l’activité Passagers, Air Belgium a pris la décision, en mars, de supprimer les vols vers des destinations non rentables fort sensibles aux prix, telles que les Caraïbes et les Antilles françaises. L’ensemble de ces éléments ont eu un impact direct très sévère sur la rentabilité de l’activité et sur la trésorerie d’Air Belgium.
À partir du mois d’avril 2023, Air Belgium a concentré ses activités sur 2 destinations principales : l’Afrique du Sud et l’ile Maurice. La capacité des avions libérés a été allouée aux activités Charter et ACMI (cargo et passager).
Si les prévisions budgétaires d’Air Belgium anticipaient un retour à la rentabilité à l’automne 2023, les difficultés financières du passé, liées à l’environnement actuel incertain et difficile, poussent Air Belgium à changer de stratégie.
Face à un environnement socio-économique et géopolitique plus qu’instable et alors qu’une compagnie aérienne doit se projeter sur des cycles de 3 à 5 ans, le Conseil d’administration d’Air Belgium a pris les décisions suivantes, afin d’assurer la pérennité et le développement de l’entreprise qui occupe 500 collaborateurs :
1. Se concentrer sur les deux activités rentables qui offrent des perspectives de croissance, c’est-à-dire le fret (cargo) et l’ACMI (Aircraft, Crew, Maintenance and Insurance, ou wet lease), soit du leasing d’avions entre compagnies aériennes pour des vols passagers et cargo, deux activités rentables qui offrent des perspectives de croissance ;
2. Cesser l’activité Passagers : malgré les nombreux investissements faits par Air Belgium sur les dernières années et le renforcement des initiatives commerciales, l’activité Passagers reste non rentable. Après plusieurs études, le Conseil d’administration d’Air Belgium a conclu que pour rendre cette activité bénéficiaire, il faudrait réaliser des investissements complémentaires significatifs à ceux déjà réalisés ces dernières années, ce qui n’a pas été possible ;
3. Introduire une procédure de réorganisation judiciaire par accord amiable : afin d’assurer sa pérennité et son développement et de laisser le temps à l’entreprise de se réorganiser en interne autour de ces 2 pôles.
Air Belgium a demandé, ce lundi 18 septembre, au tribunal de l’entreprise l’ouverture d’une procédure de réorganisation judiciaire. Le tribunal examinera dans les jours à venir la demande d’Air Belgium. Si le Tribunal accorde la PRJ, la société pourra négocier des accords avec ses créanciers en vue de réduire sa dette. Ces accords peuvent notamment inclure la négociation de conditions plus avantageuses, la réduction partielle de la dette existante et le report des intérêts. La procédure vise également à réorganiser les activités de la société en cédant ou, le cas échéant, en cessant les activités non rentables, dont la poursuite ne présente pas de perspective de viabilité.
La PRJ vise à assurer la pérennité de la société.
Les vols passagers programmés avant le 3 octobre 2023 seront assurés et les vols retour seraient pris en charge par Air Belgium, en propre ou par le biais d’autres compagnies aériennes. Les vols programmés après le 3 octobre 2023 et déjà payés par les voyageurs seraient annulés et seraient prioritairement remboursés dans le cadre de la procédure.
Une PRJ ne concerne pas directement l’emploi, mais les créanciers. Les employés liés à l’activité Passagers restent actifs durant la procédure et au-delà, la direction entend les réaffecter graduellement aux autres activités opérées par la société.
Les activités fret et l’ACMI (passagers et cargo) restent assurés en continuité d’exploitation durant toute la durée de la procédure et au-delà, le but étant de pouvoir renforcer ces deux activités dans le futur.
L’actionnariat se décline comme suit (en millier d’euros) : voir annexe.