Question orale à la Ministre de l’Environnement

Madame la Ministre, la presse faisait l’écho, ce jeudi 16 juin, des risques que représenterait un parc de six éoliennes sis sur la Commune de Dalhem par rapport à un projet scientifique d’envergure internationale. Il s’agit d’un projet dit « de télescope sous-terrain » – même si c’est un peu plus compliqué que cela en termes techniques – baptisé Einstein, pour lequel un investissement total de 2 milliards d’euros est évoqué. L’Université de Liège est le porteur du projet en Belgique, en collaboration avec d’autres institutions de recherche hollandaises et allemandes. Un jury international doit attribuer le projet dans le courant de l’année 2023. L’université estime que ce parc éolien, via les vibrations qu’il provoquerait dans le sol, pourrait mettre en péril le bon fonctionnement de ce projet qui nécessite « rigueur, stabilité et précision », et demande une zone tampon de 10 kilomètres de rayon tout autour. Vous avez réagi dans la presse en indiquant que la décision de confirmer le permis du parc éolien ne mettait a priori pas en péril le projet et que vous invitiez les acteurs concernés, à savoir principalement Engie et l’Université de Liège, à dialoguer pour rendre les deux projets compatibles. Quelques jours plus tard, dans la presse également, Engie annonçait être à disposition en ce sens.
De quelle manière est-il possible d’agir, de votre part ou autrement, afin d’objectiver le risque réel que représentent ces vibrations qui ont été mentionnées ?
Quels contacts avez-vous pris avec l’Université de Liège afin d’aborder cette question ? De manière générale, qu’est-ce qui peut expliquer les prises de position des uns et des autres dans ce dossier ? Je vous remercie d’avance pour les réponses que vous pourrez nous apporter.

 

Réponse de la Ministre Tellier :

Tout d’abord, le fait qu’il n’y ait pas eu d’accord entre le ministre Borsus et moi-même sur les recours introduits contre le permis unique octroyé en première instance pour les éoliennes de Warsage, dites aussi éoliennes de Dalhem, a effectivement pour conséquence de confirmer l’octroi de ce permis. Comme vous le savez, l’analyse des ministres sur
recours se base sur un rapport de synthèse élaboré par les experts de l’administration. Dans le cas présent, le rapport des fonctionnaires techniques et délégués compétents sur recours comportait un avis défavorable, mais motivé uniquement par des raisons urbanistiques. Sur le plan environnemental, les signaux étaient au vert pour ce projet éolien. Par ailleurs, sur le plan légal, l’analyse des fonctionnaires a relevé plusieurs arrêts du Conseil d’État indiquant que des projets futurs et incertains, comme c’est précisément le cas pour le télescope Einstein, ne devaient pas être pris en compte pour l’évaluation des incidences et des impacts potentiels.
Indépendamment de ce dossier, vous imaginez l’insécurité juridique que cela créerait de baser une décision pour un projet sur un hypothétique autre projet. Pour rappel, la décision relative au site retenu pour les
projets de télescope ne devrait pas intervenir avant début 2025, au mieux. La construction même du télescope ne pourrait s’envisager avant 2035, voire 2040. Il n’est bien sûr pas envisageable de mettre en place un moratoire complet du développement éolien dans un périmètre de 10 kilomètres autour du site du potentiel futur télescope, alors même qu’il existe déjà
des éoliennes dans ce périmètre.
Au regard des enjeux du réchauffement climatique, notamment le dernier rapport du GIEC, du développement des énergies renouvelables, bien nécessaires pour non seulement décarboner nos sociétés, mais aussi accroître notre indépendance énergétique, des objectifs que s’est fixée la Wallonie en la matière, de l’avis favorable du fonctionnaire technique sur recours, et compte tenu du contexte géopolitique et de ses
conséquences sur le prix de l’énergie, il m’a semblé nécessaire de soutenir la décision favorable prise par les fonctionnaires techniques et délégués en première instance.
Néanmoins, il va de soi que la Wallonie poursuit son soutien au projet de télescope, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à M. le Recteur de l’ULg. Rien n’indique,
à ce stade, que le projet éolien soit incompatible avec le projet de télescope. En effet, l’analyse des fonctionnaires relevait également que les vibrations parasites jugées rédhibitoires pour le télescope sont en fait issues de mesures faites sur des éoliennes d’ancienne génération. Or, de gros progrès ont été faits en cette matière sur les éoliennes actuelles. Cette analyse relevait également le fait que des conceptions particulières pour les fondations des éoliennes sont possibles et permettent de ne pas répercuter dans le sol, en profondeur, les vibrations engendrées par le fonctionnement des éoliennes.
Cette même analyse précisait enfin que les possibles interactions entre ces deux projets font l’objet de travaux d’étude au sein de l’Université de Liège. Un groupe interdisciplinaire y a été spécifiquement créé, et du groupe Engie, avec Electrabel, Tractebel ou Laborelec, afin d’essayer de dégager des solutions pour permettre la compatibilité des deux projets.
Des contacts ont été pris avec les différents acteurs afin de les encourager à poursuivre dans cette voie. Par ailleurs, dans l’attente d’une solution et afin de permettre un dialogue serein entre les acteurs, j’ai sollicité et obtenu un accord écrit d’Engie-Electrabel, qui s’engagent à ne poser aucun acte de construction des éoliennes tant qu’un recours administratif est en cours devant le Conseil d’État. Cela permet de facto de dégager du temps de discussion pour des modalités techniques entre les différentes parties. Il n’y a donc, à ce stade, aucun élément permettant d’affirmer que l’implantation des éoliennes empêchera celle éventuelle – je le répète, le site n’a pas encore été choisi – du futur télescope dans la région frontalière de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Allemagne. Enfin, concernant les projets spécifiques liés au paysage, je vous invite à questionner mon collègue en charge de l’Aménagement du territoire

 

Réplique

Merci, Madame la Ministre, pour cette réponse très complète. J’étais moi-même un peu étonné à la lecture du dossier par la focalisation sur ce parc éolien. Je ne nie certes pas la nécessité de préserver le projet de l’ULiège des vibrations, mais il ne me semble pas que les éoliennes soient la source unique ou principale, et a fortiori si des parcs existent déjà dans la zone tampon.
J’entends ici qu’en plus, des solutions techniques existent, qu’il y a une volonté de dialogue et de concertation pour que les projets puissent se réaliser, et que vous avez obtenu un engagement écrit d’Engie sur le fait que ce parc, dans les faits, ne sera pas construit avant la décision du jury sur le projet de télescope, étant donné qu’un recours mettra plusieurs années à être instruit. Dans l’ensemble, cela me semble être des réponses tout à fait rassurantes par rapport à cette potentialité importante pour notre Région et pour la recherche fondamentale.