Question orale au Ministre Borsus
Monsieur le Ministre, des difficultés ont été évoquées dans la presse ces dernières semaines au sein de la compagnie Air Belgium, notamment la suppression des vols vers les Antilles ou le départ de nombreux pilotes. Même si ces difficultés ont été démenties par son directeur, Air Belgium semble bel et bien avoir besoin de 10 millions d’euros d’ici à la fin de l’année pour poursuivre ses activités.
On le sait, la Région, à travers la SOGEPA et la SRIW, est actionnaire à hauteur de 35 % de cette entreprise et y a déjà investi plus de 18 millions d’euros depuis sa constitution. Il semble que les 19 millions injectés par l’investisseur chinois Hongyuan en mars dernier soient déjà épuisés.
Vous avez annoncé avoir convoqué une réunion avec la SRIW et la SOGEPA pour évoquer le cas de cette nouvelle levée de fonds. Quel est le résultat de cette réunion si elle a eu lieu, et la Région va-t-elle contribuer à cette levée de fonds ?
Depuis le lancement de cette nouvelle compagnie, la presse évoque 46 millions d’euros de pertes cumulées. Est-ce que par vous-même ou via les outils économiques, la Région a validé la stratégie quelque peu erratique de cette compagnie (passager ou fret, avions basés à Charleroi puis à Zaventem, destinations qui ouvrent et qui ferment, et cetera) ? On peut également mentionner les deux Airbus A330 d’Air Belgium qui opéraient à Liège pour CMA CGM qui ont été retirés du registre aéronautique belge) . De façon générale, on a un peu de mal à voir quel est l’intérêt réel de la Wallonie en investissant dans cette compagnie.
Le groupe logistique chinois Hongyuan possède d’ores et déjà 49 % du capital de l’entreprise, et si ce pourcentage augmentait, Air Belgium perdrait son statut de compagnie européenne, avec tous les droits et avantages qui y sont liés. Comment justifiez-vous d’avoir validé la montée comme actionnaire principal d’un groupe chinois ? Cela pose question à la fois par rapport à cet enjeu du statut de la compagnie, mais aussi, de façon plus générale, par rapport à l’approche prudente à avoir concernant des investissements chinois dans des secteurs stratégiques.
M. Borsus, Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences. – Madame et Messieurs les Députés, merci pour vos différentes questions. Le dossier Air Belgium reste, vous l’avez souligné, un dossier complexe. L’activité d’Air Belgium repose sur deux piliers : d’une part, l’activité cargo, en CMI, vols pour le compte de groupes spécialisés en logistique, d’autre part, l’activité passagers en vols réguliers ou en ACMI, c’est-à-dire des vols pour le compte d’autres compagnies aériennes. Si l’activité cargo représente aujourd’hui 80 % des revenus de la société, et constitue un vecteur de croissance intéressant, l’activité passagers, par contre, n’a pas rencontré les attentes, et ce, depuis la création de la société en 2016.
Globalement, l’année 2022 n’a pas été rentable. Air Belgium travaille actuellement sur un plan de refinancement et est en contact notamment avec ses actionnaires. Le besoin financier s’explique principalement par des facteurs exogènes ; bien sûr, les conséquences du covid-19, la guerre en Ukraine, l’inflation des prix, le taux de change défavorable avec le dollar, une reprise de l’activité passagers plus lente que prévu, une transition dans le cargo avec la fin de la collaboration avec CMA CGM, ainsi qu’une montée en puissance progressive du groupe Hongyang et des surcoûts liés au changement de la flotte, notamment dans le cadre de la transition environnementale.
Afin de limiter l’impact de l’activité passagers sur les résultats de la société, Air Belgium a adapté à plusieurs reprises la programmation de ses destinations, ainsi que l’utilisation de ses avions. La société a aussi récemment revu ses prix. Malgré cela, l’activité reste déficitaire, ce qui peut logiquement susciter des interrogations quant à son maintien.
En 2022, le groupe Hongyang a investi 19 millions d’euros au capital d’Air Belgium. Il détient, comme vous l’avez souligné, 49 % du capital d’Air Belgium, laissant ainsi 51 % dans les mains des actionnaires actuels. Le groupe Hongyang est un acteur important dans le transport aérien cargo et la logistique e-commerce. Il est par ailleurs déjà présent à Bruxelles et à Liège après y avoir investi, notamment dans des facilités logistiques. En entrant dans le capital d’Air Belgium, l’objectif du groupe Hongyang était double : d’une part, étendre son offre commerciale de fret aérien et de logistique e-commerce avec un point stratégique en Europe, et, d’autre part, développer l’activité passagers en y incluant le cargo en soute et en favorisant le développement des correspondances.
Pour les partenaires publics, il s’agissait logiquement de sécuriser un partenaire privé stratégique qui venait renforcer le modèle économique d’Air Belgium et, in fine, d’assurer un relais privé nécessaire après le rôle majeur que les partenaires publics ont endossé pour sauvegarder l’activité et l’emploi, notamment pendant la crise sanitaire. Pour rappel, cette levée de fonds auprès du groupe Hongyang a été réalisée sans apports supplémentaires de la part des actionnaires publics. En collaboration avec le groupe Hongyang, la stratégie et le positionnement stratégique d’Air Belgium ont été revus. Le plan de développement repose toujours sur un mix revenus cargo/CMI et passagers, à la fois route régulière et ACMI. Au niveau du cargo, l’activité est fortement soutenue par Hongyuan en tant qu’apporteur d’affaires et par ailleurs propriétaire des avions. Quant au transport des passagers, il est prévu de placer les efforts sur de nouvelles destinations pour tenter de changer l’équation de la rentabilité.
Aujourd’hui, Air Belgium a effectivement un nouveau besoin d’apport de liquidités. Aucune décision n’a encore été prise concernant la demande de financement. Le dossier est toujours à l’examen. Au travers de ses outils, la Région wallonne détient 32 % du capital d’Air Belgium. Son exposition totale s’élève à 15,7 millions d’euros, dont 1,8 million d’euros en prêt.
Mme la Présidente. – La parole est à M. Bierin.
M. Bierin (Ecolo). – Merci, Monsieur le Ministre, pour ces informations. À ce stade, on entend qu’il n’y a pas encore de décision prise sur une augmentation de la prise de participation ou sur d’autres modalités de soutien.
Par rapport aux facteurs exogènes, je retiens que si l’on compare par exemple avec Brussels Airlines, on voit que cette compagnie a pu rembourser bien plus vite que prévu l’emprunt qu’elle avait contracté durant la période du covid-19 auprès du Gouvernement fédéral. N’y a-t-il donc pas une question à se poser aussi en matière de gestion et de stratégie concernant Air Belgium ?
Par rapport aux investissements de Hongyuan, on doit se poser la question de façon plus générale de l’intérêt et du risque des investissements chinois, notamment dans la logistique et dans d’autres secteurs stratégiques. On sait que, via leur stratégie des nouvelles routes de la soie, il y a un impact géopolitique et une stratégie géopolitique derrière ce type d’investissements, qui ne sont pas qu’économiques. La question est évidemment beaucoup plus vaste que celle d’Air Belgium.