Question orale au Ministre Dolimont

M. Bierin (Ecolo). – Monsieur le Ministre, dans son recours déposé contre le permis unique délivré cet été par les fonctionnaires techniques et délégués, la compagnie ASL affirme que le master agreement du 26 février 1996 entre la Région, l’aéroport et à l’époque TNT Express Belgium – désormais ASL – prévoit que TNT aura le droit d’effectuer un nombre illimité de mouvements, jour et nuit et d’utiliser tout type d’avions, sans restrictions autres que les restrictions générales imposées par l’Union européenne. Est-ce que vous confirmez cette information ? Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur le contenu de ce master agreement de façon générale ? Pour combien de temps était-il conclu ?

Comment le Gouvernement justifie-t-il un engagement aussi fort, remettant en question sa capacité et de réguler les activités sur son territoire pour limiter les nuisances ? Cet engagement n’a-t-il pas déjà été contredit par le permis en vigueur à l’heure actuelle qui limite le nombre de vols annuel ? Même si la limite était très laxiste, néanmoins limitante. Pouvez-vous clarifier les liens entre Fedex, ASL et TNT ? Quels droits et obligations ont-ils été repris et par quelle entité ?

D’autres compagnies bénéficient-elles de tels types de clauses dans les contrats qui les lient à l’aéroport et à la Région ? Si oui, lesquelles ?

Par ailleurs, toujours en lien avec ASL, si l’on prend d’autres exemples d’aéroports voisins – Paris Charles de Gaulle ou Zaventem – il y a des restrictions d’exploitation nocturnes de certains aéronefs, en fonction de leur niveau de bruit. Les 747-400 sont notamment interdits de décollage entre 22h et 6h du matin à Paris Charles de Gaulle ou Zaventem Or, dans le recours introduit par ASL, la compagnie signale qu’elle projette d’accueillir 5 nouveaux Boeing 747 en 2024.

Depuis le dépôt de la question, il m’est revenu que les vols effectués par ASL comme sous-traitant pour FedEx ne se font pas sur des 747, mais c’est le cas de vols effectués comme sous-traitant pour d’autres entreprises. Néanmoins, de manière générale, cela pose question par rapport à ce que l’on est prêt à faire subir aux Liégeois alors que d’autres aéroports voisins sont beaucoup plus stricts. Cela met en perspective le chantage à l’emploi qui peut parfois être émis publiquement par certains. Il serait intéressant d’avoir votre éclairage là-dessus.

M. le Président. – La parole est à M. le Ministre Dolimont.

M. Dolimont, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives. – Monsieur le Député, ASL Airlines Belgium est le nom pris par la compagnie aérienne issue du rachat par le groupe irlandais ASL et la compagnie TNT Airways lors de la reprise du groupe TNT par FedEx. ASLB ne succède donc pas à TNT Express Belgium, qui opère le centre de tri repris par FedEx, mais bien à TNT Airways.

Les relations entre le groupe TNT et l’aéroport de Liège sont régies par une convention signée en 1996 entre TNT Express, GD Express Worldwide NV – société holding de TNT à l’époque –, Liege Airport et la Région wallonne. Cette convention est aussi appelée « master agreement TNT ».

Le décret du 23 juin 1994 relatif à la création et à l’exploitation des aéroports et aérodromes relevant de la Région wallonne prévoit explicitement que l’aéroport de Liège est ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Les conditions d’exploitation de l’aéroport seront, elles, fixées par l’arrêté du Gouvernement wallon du 8 novembre 2000 fixant les restrictions de décollage et d’atterrissage sur les aéroports relevant de la Région wallonne.

Le contrat signé avec TNT respecte ce cadre de disposition. FedEx a donc repris les activités du hub de tri TNT et ASLB celles de la compagnie aérienne TNT Airways. Pour rappel, cette scission avait été rendue indispensable sur base du droit européen, une société extraeuropéenne – FedEx étant une société de droit US – ne pouvant détenir le contrôle d’une compagnie aérienne européenne.

Lors de cette reprise, le master agreement de 1996, qui couvrait toutes les activités du groupe TNT, y compris la partie aérienne TNT Airways, a été scindé entre FedEx et ASLB, chacune des parties reprenant les droits et obligations du master agreement pour la part qui la concerne.

Il n’y a pas d’autre entité qui bénéficie des effets de ce contrat. ASLB est le principal fournisseur de service aérien – compagnie aérienne – de TNT-FedEx. ASLB utilise notamment des B747, ce qui n’est effectivement pas interdit à Liège. Je n’ai pas connaissance d’une quelconque stratégie d’ASLB ou de FedEx concernant l’utilisation d’avions plus bruyants sur l’aéroport de Liège.

En ce qui concerne les recours, ils sont actuellement en traitement au sein de l’administration, qui doit ensuite faire rapport au ministre. Cela ne relève pas directement de ma compétence en tant que ministre des Aéroports, mais j’y suis très attentif, comme l’ensemble du Gouvernement, tant les implications du permis on trait directement ou indirectement à un large champ de compétences ministérielles : environnement, aménagement du territoire, économie, emploi, bien-être et, bien évidemment, les aéroports.

Au sujet de la maîtrise des nuisances sonores, je rappelle que Liege Airport a décidé de mettre en œuvre une nouvelle grille tarifaire visant à favoriser l’usage d’appareils performants sur le plan acoustique et, plus largement, sur le plan environnemental, au détriment d’autres types d’avions, ainsi qu’à favoriser les vols de jour plutôt que les vols de nuit.

Cette nouvelle grille a été soumise à l’avis du Comité de régulation des aéroports et aérodromes relevant de la Région wallonne. Conformément à ce qui est prévu, l’avis du Comité de régulation des aéroports et aérodromes a été communiqué au Gouvernement wallon en date du 27 octobre dernier. La nouvelle grille tarifaire de Liège Airport entrera en vigueur en 2023 et s’appliquera à tous les clients de l’aéroport.

M. le Président. – La parole est à M. Bierin.

M. Bierin (Ecolo). – Merci, Monsieur le Ministre, pour ces différents éclaircissements et les informations complémentaires que vous nous donnez aujourd’hui. Sur base de la décision finale qui devrait intervenir début 2023 sur le permis et si c’est le temps d’activer les clauses évoquées, elles peuvent et doivent être contestées par la Région.

Le cas échéant, nous serions partis pour une bataille juridique de plusieurs années, mais nous pouvons estimer qu’il y a des raisons d’intérêt général justifiant de ne plus respecter des engagements pris il y a 25 ans ; les connaissances scientifiques et médicales ont évolué notamment sur l’impact néfaste du bruit sur la santé.

D’autre part, ces clauses peuvent être considérées potentiellement comme léonines vu le déséquilibre important qu’elles présentent. La Région s’engage en fait à dérouler le tapis rouge et renonce à son droit de légiférer en faveur de la qualité de vie de ses citoyens. Je me demande même si elle avait le droit de prendre cet engagement à l’époque, mais ce serait l’objet d’un débat juridique intéressant et de longue haleine.