Monsieur le Ministre,

En 2014, Elio Di Rupo en sa qualité de Premier Ministre, signait une convention avec le Président chinois Xi Jinping pour l’implantation du premier incubateur chinois d’entreprises technologiques en Europe, le China Belgium Technology Center, CBTC. Le Groupe United Investment prévoyait 1500 emplois et 200 entreprises dans le cadre de ce pôle économique sino-belge implanté à Louvain-la-Neuve dont la commercialisation des bureaux a débuté en septembre 2020.En octobre dernier, vous annonciez que le CBTC était au stade de réception provisoire et qu’il serait bien en mesure d’accueillir des sociétés au premier trimestre 2022, malgré le contexte sanitaire que nous connaissons et qui touche encore fortement la Chine. Aujourd’hui, le site semble être presqu’à l’abandon : les barrières de « protection » du chantier sont tombées et restent au sol, laissant l’accès libre aux plus curieux et la nature reprend ses droits. Début du mois, le média « Nationale 4 » s’est rendu sur place et n’a trouvé comme seuls interlocuteurs qu’oies et canards ayant pris possession de l’endroit.

Monsieur le Ministre, qu’est-ce qui explique un tel délaissement de ce pôle économique que l’on annonçait comme étant un exemple à suivre de coopération sino-belge ? La plupart des bâtiments sont restés au stade de « réception provisoire » et la fin du chantier semble avoir été stoppée net malgré l’agenda annoncé en décembre dernier.

En décembre dernier, un premier contrat a été signé avec l’entreprise belge LIMS qui devrait donc bientôt s’installer. Vu l’état actuel du site, cette entreprise sera-t-elle accueillie dans les meilleures conditions ? Sera-t-elle accueillie tout court ? Avez-vous pris connaissance de l’état réel du site ? Quelles initiatives avez-vous prise à cet égard ? Avez-vous agi le cas échéant afin de réorienter le projet ? Plusieurs accords avaient été signés avec des entreprises chinoises, des contrats ont-ils été conclus entre-temps ? Le cas échéant, le screening des entreprises chinoises qui manifestent leur intérêt sera-t-il mis en place à temps face au risque d’espionnage des services chinois dans le domaine des biotechnologies et du secteur médical ?

 

Réponse du Ministre Borsus :

Effectivement, le China Belgium Technology Center à Louvain-la-Neuve est un projet porté et promu par United Investment Europe. Il vise à mettre sur pied un pont, un cadre favorisant les échanges entre l’Europe et la Chine dans le domaine des hautes technologies, plus précisément dans certains secteurs innovants que sont les sciences du vivant, les technologies de l’information, de la communication ainsi que de l’industrie 4.0. Ce complexe entend rassembler diverses fonctionnalités, en même temps un coworking center, des bureaux, des laboratoires, un centre de services, un hôtel et un centre de conférences.
Selon les promoteurs, plus de 90 millions d’euros ont été déjà investis dans le gros œuvre du projet, sans qu’aucun appui public – faut-il le préciser – n’ait été décidé, l’investissement étant 100 % pris en charge par les interlocuteurs chinois concernés.
En ce qui concerne l’état réel du CBTC, qui est, rappelons-le, un projet conséquent avec 60 000 mètres carrés déjà construits, l’entretien des abords et de la rue Fonds des Més par l’InBW suit son cours et serait programmé, m’a-t-on indiqué, à court terme. Par ailleurs, un nettoyage final du site, qui va inclure les abords et les vitres et façades, sera fait après les travaux d’aménagement intérieur des bureaux de l’opérateur du site ainsi que de l’installation du laboratoire LIMS que vous avez évoqué. L’aménagement intérieur des autres tours se fera au fur et à mesure de l’arrivée des occupants.
Les travaux d’aménagement de la société LIMS se poursuivent. Le contrat avec LIMS a été conclu mi- 2021. Il était assorti d’une demande de permis unique introduite à la commune d’Ottignies–Louvain-la-Neuve et à la Région wallonne en juin 2021. Pour une série de raisons techniques, ce permis a pris plus de 10 mois au lieu des six requis, retardant l’installation de LIMS. Le permis unique a été délivré le 3 mai 2022, c’est-à-dire le mois dernier.
Les travaux de finition pour l’installation de LIMS, un laboratoire wallon spécialisé en biologie fonctionnelle et préventive avec l’emploi de 150 personnes, débutent cet été et se termineront fin 2022 pour une opération complète des activités au premier trimestre de l’année prochaine. Ce projet va occuper lui-même 4 500 mètres carrés.
D’autre part, il m’est indiqué que 23 contrats ont été signés avec des sociétés chinoises et 15 autres firmes ont marqué une intention ou un intérêt de principe de s’établir au sein du CBTC. C’est un résultat qui, eu égard aux diverses circonstances covid et socioéconomiques, dont les derniers rebonds ont eu un impact significatif, en ce compris en Chine, comme vous l’avez observé. On peut considérer le résultat comme encourageant en tenant compte des obstacles que je viens de rappeler et l’impossibilité de déplacement des candidats chinois ou vers la Chine est un élément de difficulté significatif.
Ne sous-estimons pas chez les décisions des candidats investisseurs l’impact des conséquences diverses de la crise sanitaire. Par ailleurs, le CBTC propose des services de consultance et réalise des études de marché pour des sociétés chinoises qui peuvent in fine aboutir à des investissements supplémentaires. Pour rappel, le CBTC, bien qu’ayant reçu l’appui de divers services de la Région wallonne, est un projet d’initiative privée. Son opérateur et maître d’œuvre est la société de droit belge United Investment Europe et les
investisseurs sont chinois. Le projet est soutenu par les autorités, vous l’avez rappelé, par l’UCLouvain et par l’InBW, mais ne constitue pas une charge financière au sens strict pour le contribuable wallon. Nous convenons qu’il s’agit d’une opportunité pour les entrepreneurs wallons, belges et européens de pénétrer le marché chinois avec des produits, des partenariats ou des services technologiques. Une réorientation du projet n’est pas à l’ordre du jour, m’a-t-on indiqué. Si une telle éventualité devait se faire jour, elle se déciderait au niveau de la société United lnvestment Europe, en lien étroit avec les partenaires locaux du projet.
Concernant le screening des investissements des entreprises étrangères de façon générale, il s’agit d’une compétence du Comité de filtrage interfédéral. Les dispositions légales en la matière font l’objet d’un projet d’accord de coopération qui a été approuvé au Comité de concertation le 1er juin dernier. En vue de son examen par le Conseil d’État, un accord est intervenu concernant le seuil pour les technologies d’importance stratégique dans le secteur de la biotech. Il est fixé à 25 millions d’euros, seuil d’investissement à partir duquel est activé l’examen de ce mécanisme concernant les investissements stratégiques. Par ailleurs, seules les entreprises ciblées avec un chiffre d’affaires supérieur à 25 millions d’euros devront faire l’objet d’une notification et d’un possible screening suivant des modalités en train d’être fixées par les autorités belges.
Voilà les différents éléments actualisés dont je peux vous faire part au moment où nous nous parlons.