Question orale au Ministre Borsus

Monsieur le Ministre, dans le contexte de lutte contre le changement climatique, mais aussi de guerre en Ukraine, la Commission européenne a dévoilé ce 18 mai son plan Repower EU pour consommer moins, diversifier les fournisseurs d’énergie et accélérer le développement des énergies renouvelables.
Le premier et le troisième volet de ce plan peuvent représenter des opportunités économiques importantes pour les entreprises wallonnes. En effet, en massifiant et en revoyant à la hausse les objectifs d’isolation des bâtiments ou de développement du renouvelable, cela permet de soutenir l’activité des entreprises locales, à condition qu’elles soient outillées pour ce faire. Je me tourne vers vous aujourd’hui pour m’enquérir de la stratégie élaborée par le Gouvernement et par vous- même afin de permettre à nos entreprises de saisir ces opportunités. On sait que la formation des travailleuses et travailleurs est un défi majeur pour faire face aux pénuries de main-d’œuvre qui sont déjà présentes dans le secteur de la construction, notamment dans le développement du photovoltaïque. Le Gouvernement a déjà agi en ce sens via par exemple l’octroi d’une prime lorsqu’on suit une formation dans les secteurs en
pénurie. Néanmoins, on peut se dire qu’il est nécessaire de passer à la vitesse supérieure vu la hausse des objectifs, déjà vu le Plan de relance qui se mettait en place, mais vu en plus la hausse des objectifs au niveau européen qui vient d’être mise sur la table. Quelles actions avez- vous entreprises afin de répondre à ces enjeux ? Je vous remercie d’avance pour les réponses que vous apporterez.

Réponse du Ministre

Monsieur le Député, votre question es particulièrement importante de mon point de vue. En effet, le 18 mai 2022, la Commission européenne a présenté son plan Repower EU, lequel doit constituer une réponse importante aux difficultés et perturbations du marché mondial de l’énergie provoquées notamment, mais lourdement, par la guerre livrée par la Russie en Ukraine. L’objectif est double et consiste à mettre fin à la dépendance de l’Union européenne à l’égard des combustibles fossiles russes, ainsi qu’à augmenter les moyens de lutte contre la crise climatique. Concrètement, la Commission propose avec ce plan d’apporter des modifications ciblées notamment au règlement Facilité pour la reprise et la résilience, le RRF, afin d’intégrer des chapitres Repower EU spécifiques dans les plans pour la reprise et la résilience actuellement déployés par les États membres. Il s’agit donc d’un effort de redirection des moyens visant à
amplifier la transition énergétique de l’Union, avec des objectifs notamment clairement fixés par la Commission en termes de pourcentage, et cetera. Par ailleurs, vous le mentionnez à juste titre, le plan Repower EU constitue donc bien une opportunité, indépendamment de toute l’importance de son objectif en termes de lutte contre la crise climatique et de préservation par rapport à notre dépendance aux combustibles fossiles. C’est donc une opportunité en matière d’activités, d’innovation dans les activités et d’emploi.
En Wallonie, ces filières et un certain nombre d’actions existent et ont été encore récemment amplifiées, où les structurations des filières doivent mener à identifier un certain nombre de besoins complémentaires en termes d’activités, donc en termes d’emploi.
Notons que nous disposions déjà en Wallonie des dispositifs UDE bien connus, des autres primes à la rénovation, de l’installation de production d’énergie renouvelable, par ailleurs de l’objectif récemment fixé par le Gouvernement de massification de l’isolation du bâti. Des outils d’accompagnement en termes de financement existent avec le programme RenoWatt, Easy’green ou encore WalEnergie, par exemple. Indépendamment de tous ces soutiens et dispositifs, il est clair que d’autres initiatives complémentaires existent, telles les roadmaps relatives à la décarbonation et au développement de certaines filières telles que l’hydrogène qui sont en cours de réalisation et que nous avions retenues dans notre Plan de relance. Je vous rejoins aussi concernant votre constat en termes d’emploi. Nous avons pris, avec ma collègue Christie Morreale, avec le soutien du Gouvernement, plusieurs initiatives : que ce soit l’intervention de 2 000 euros pour les personnes qui vont se former dans les métiers en pénurie de la construction ou les demandeurs d’emploi qui vont eux-mêmes, à travers le FOREm, pouvoir acquérir les compétences pour
pouvoir travailler dans la construction, que ce soit pour les apprenants de l’IFAPME pendant leur cursus. Sont pris en charge aussi, à travers l’IFAPME, les frais scolaires. Le secteur de la construction a relevé l’intervention pour les apprentis. Nous avons aussi pris en charge le coût du minerval pour les formations d’adultes en construction. Une importante campagne de promotion des métiers de la construction est également prévue avec le secteur. Nous ciblons également – complémentairement bien sûr – les candidates aux emplois dans les métiers de la construction. De nouvelles formations sont lancées avec l’IFAPME et les centres de compétences, notamment en ciblant la rénovation énergétique, de nouvelles techniques, de nouvelles approches de végétalisation des bâtiments, toute une série de formations – conseiller en environnement, certificateur PEB, comment construire durablement sont aussi proposées désormais par les centres de compétences ; c’est également le cas concernant le photovoltaïque, les énergies renouvelables, les techniques en cogénération, les conseillers en énergie et d’autres encore. Indépendamment des actions menées aussi à travers Wallonie Compétences d’avenir, avec ma collègue Christie Morreale, la réforme de l’accompagnement qui est en cours, et le nouveau contrat de gestion du FOREm, on doit faire le constat – et l’on doit le faire très clairement entre nous – que l’ensemble de ces mesures – actuellement en tout cas – ne portent pas l’ampleur des fruits nécessaire pour assumer l’ensemble de notre ambition en termes de bâti, de constructions, d’isolation du bâtiment, et cetera. Je vous rejoins donc. Je vois que vous lancez une forme d’appel en disant que beaucoup de choses ont été faites, mais il faut aller plus loin. C’est l’ensemble du débat que nous avons actuellement. Je ne voudrais pas être réducteur – ce n’est pas trop mon style –, mais il y a aujourd’hui de l’ordre de 194 000 demandeurs d’emploi en Région wallonne – peut-être un peu moins depuis le mois dernier. Il y en a de l’ordre de 45 % qui sont au chômage depuis plus de deux ans. On a par ailleurs un grand nombre de malades de longue durée, ce qui est une autre catégorie qui est devenue croissante au fil du temps. Nous avons aussi des pistes avec les mécanismes d’intégration et d’insertion pour les bénéficiaires d’un revenu d’intégration. Je pense qu’il faut remettre encore une fois notre ouvrage sur le métier, sans quoi, c’est très clair – je suis vraiment transparent avec vous –, nonobstant les efforts que je salue et soutiens, nous n’y arriverons pas. Soit le travail sera mené par des entreprises étrangères, par des sous-traitants, par des délégations de personnel venant de l’étranger, soit nous n’atteindrons pas, par faute de personnel, un certain nombre d’objectifs.  Ce qui vaut aujourd’hui pour la construction vaut, hélas, aussi pour certaines autres filières. C’est probablement l’un des piliers les plus importants à consolider pour soutenir la croissance wallonne et nos objectifs sociétaux qui sont tellement importants.

Réplique

Je vous remercie, Monsieur le Ministre. Je pense que l’on se rejoint effectivement sur le constat, même s’il est déjà tout à fait positif d’entendre que de nombreuses actions sont prises. J’insisterai aujourd’hui sur un enjeu parmi beaucoup d’autres, qui est celui du genre. Il faut mener un travail de sensibilisation – vous l’avez mentionné et je me réjouis que cela soit prévu –, mais il faut à mon avis aller même plus loin, vers un véritable changement des mentalités – je dirais presque un changement culturel – pour ouvrir le secteur de la construction aux femmes. Trop souvent, quand une femme a une faible qualification, on a tendance à l’orienter vers les agences de titres-services pour devenir aide ménagère, par exemple, alors qu’il s’agit d’un métier dont la pénibilité est au moins aussi importante que le secteur de la construction. Je donne là un exemple parmi d’autres. Je crois donc que cela fait partie des enjeux importants. Pour résoudre ce défi, il y a notamment celui de ces questions de genre.