Question orale au Ministre Borsus
Monsieur le Ministre, plusieurs enseignes liégeoises, certaines installées depuis des dizaines d’années au centre-ville, ont annoncé qu’elles quittaient ce centre pour la périphérie à cause notamment des travaux du tram. D’autres commerces ont mis la clé sous la porte. Bien sûr, la conjoncture n’y est pas pour rien non plus. Le bourgmestre annonçait, ce 19 mai, avoir mandaté un cabinet d’avocats spécialisé afin de réclamer des compensations à la Région. Il est vrai que ce chantier est exceptionnel, inédit dans son ampleur, et que ses impacts sur les commerçants locaux sont proportionnels à ce caractère inédit. Dans ce cadre, on se tourne vers vous, comme le bourgmestre de Liège, pour savoir pourquoi il n’y a pas encore eu de mise en place d’une indemnité spécifique pour les commerçants qui subissent cette situation, et si vous avez d’ores et déjà été en contact avec la ville à ce sujet. Vous m’aviez annoncé dans une réponse à une question écrite vouloir doubler le nombre de jours éligibles à l’indemnité compensatoire qui existe déjà en cas de chantier, qui est de 100 euros par jour, plafonné à 6 000 euros, tout en clarifiant différents critères d’éligibilité, qui sont parfois compliqués à suivre pour les commerçants impactés. Une aide de 100 euros est probablement insuffisante quand on subit des désagréments de longue durée, qui font fuir durablement la clientèle. Cela étant, à défaut d’une indemnité spécifique, avez-vous étudié une alternative, la possibilité d’étendre ce dispositif à la durée totale du chantier, sans plafond ? En effet, pour des chantiers de cette ampleur, telle que celui du tram à Liège qui dure depuis plusieurs années, même un délai de 120 jours serait très loin d’être suffisant.
Réponse du Ministre
La situation de commerçants et indépendants impactés par les travaux du tram de Liège est en effet extrêmement préoccupante. Je m’étais moi-même rendu sur place dès novembre dernier pour aller à la rencontre d’un certain nombre d’entre eux et de leur association représentative. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de retourner me rendre compte de visu de l’évolution de la situation. La mobilité est effectivement devenue pratiquement impossible dans de nombreux endroits très complexes, même si ce n’est pas le seul problème dont les commerçants m’ont entretenu. Il faut être très franc entre nous. Ils m’ont aussi parlé de l’insécurité, de la consommation de drogue en rue de plus en plus fréquente et d’autres phénomènes. Indépendamment des problèmes de mobilité et de ces problèmes rencontrés en ville, il est survenu, de surcroît, le problème qui a impacté une partie de la ville et qui est lié aux inondations. Chacun de ces constats mérite une réponse appropriée. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de m’entretenir au sujet du problème très ostentatoire de l’évolution de la consommation de drogue dans les rues de la ville avec le bourgmestre. Chacun de ces problèmes mérite une attention et une réponse soutenue, concrète, que ce soit au niveau local, régional ou fédéral, s’il s’agit de compétences fédérales. Revenons aux problèmes de mobilité. Deux réponses de ma part. Premièrement, M. Bierin l’a évoqué, les travaux visant à adapter le texte, le décret concernant l’indemnité compensatoire en cas de travaux sur la voie publique afin que ces derniers puissent effectivement tenir compte des chantiers plus longs, des chantiers dont l’impact est lui-même plus considérable. À ce jour, suivant l’information qui m’a été communiquée, les indemnisations en fonction du dispositif actuel qui ont été allouées aux commerçants liégeois se montent à 624 900 euros. Cependant, nos travaux de réforme du décret sont en train d’aboutir à la présentation au Gouvernement sous peu d’une réforme qui tiendra compte notamment de la durée des chantiers, non pas pour avoir une indemnisation qui n’est pas limitée dans le temps, mais une indemnisation qui permette d’intervenir pour les chantiers plus longs. Cela me semble tout à fait opportun. Par ailleurs, indépendamment des constats que j’ai déjà évoqués, on doit bien indiquer à quel point la situation au fil des derniers mois s’est assombrie. En effet, la société Tram’Ardent n’est pas en conformité avec les délais initialement établis – comme vous le savez, mais je me permets de le rappeler –, prévus initialement pour octobre 2022. La mise en service du tram a été, à ma connaissance, reportée trois fois pour être finalement attendue pour le 25 avril 2024. Tous les efforts sont menés – je n’en ai pas la responsabilité – pour veiller à ce que ce nouveau délai soit effectivement tenu et respecté. Beaucoup de pressions sont émises notamment par l’OTW et par mon collègue, le ministre en charge de la Mobilité. Par ailleurs, le Gouvernement a eu l’occasion de discuter très récemment, indépendamment de l’adaptation de mon décret, de la réponse à apporter à la demande de la Ville de Liège et aux demandes exprimées par les commerçants si lourdement impactés. En effet, on se trouve ici dans une dimension très particulière d’un chantier dans l’addition de retards et de circonstances dont les conséquences sont effectivement très lourdes. Dès lors, lors de notre conclave budgétaire, complémentairement à ce que j’évoquais en ce qui concerne l’adaptation du décret, il a été décidé de la constitution d’une provision dont les modalités d’opérationnalisation doivent encore être fixées et le seront dans les tout prochains jours. Néanmoins, je me permets de rappeler que le respect du planning est évidemment de la responsabilité exclusive de Tram’Ardent, en tout cas de la responsabilité très large de Tram’Ardent. Le contrat qui lie l’OTW à Tram’Ardent est un contrat de type partenariat public-privé. Un des principes essentiels de ce type de partenariat est que le partenaire privé prend à sa charge une part plus que majoritaire du risque de conception et de construction. De par ce partenariat – suivant mon point de vue, je ne suis pas gestionnaire du dossier, comme vous le savez – Tram’Ardent ne perçoit les redevances de l’OTW qu’une fois la ligne de tram mise en service – nous sommes tous bien d’accord – et tout retard de mise en service fait perdre des redevances à Tram’Ardent. Rappelons qu’en moyenne un montant de l’ordre de 92 000 euros par jour de retard ne sera pas versé à Tram’Ardent. Le dernier planning en date semble de nature à rassurer : les dates du 25 avril 2024 comme date de mise en service, mais surtout celle de l’été 2023 pour la fin des travaux semblent aujourd’hui stabilisées, ce qui est notre souhait à tous. Enfin, l’analyse poussée réalisée par l’OTW et ses conseils techniques permet de considérer que le planning définitif semble aujourd’hui fiable. Au vu de l’expérience vécue ces dernières années, l’OTW a mis en place un dispositif de suivi et de contrôle du respect du planning poussé, ce qui est d’ordinaire attendu dans un partenariat public-privé. Je ne m’exprimerai pas sur ce qui ne relève pas de ma compétence. En revanche, voici les deux volets de la réponse gouvernementale, à l’expression des très grandes difficultés constatées à la suite de ce chantier que, si difficilement, nos commerçants de Liège ont dû affronter et doivent encore affronter aujourd’hui, quelle que soit leur activité.
Réplique
Le but est évidemment de faire respecter ce calendrier ultime, après de nombreux retards. Comme vous l’avez bien indiqué, toute la pression est mise en ce sens sur l’opérateur. Par ailleurs, le ministre Henry m’avait en effet répondu en septembre 2021 que chaque jour de retard, c’était près de 90 000 euros qui ne rentraient pas dans les caisses du consortium Tram’Ardent, hors cas de force majeure. Le calcul n’est probablement pas aussi direct que de dire que l’on peut consacrer purement et simplement cet argent aux indemnisations, mais si l’on fait fi de la technicité budgétaire, on peut se dire que cela peut contribuer à trouver une solution. Il est en tout cas absolument nécessaire d’indemniser ces commerçants à hauteur suffisante. Le travail sur le décret relatif aux indemnisations en cas de chantier et la constitution d’une provision spécifique sont de bonnes nouvelles dans ce sens. Je ne peux qu’encourager le Gouvernement et M. le Ministre à poursuivre.